Le sud algérien : le grand retour
Interview croisée de Maud, directrice de production, et de Michel, responsable régional et ancien guide en Algérie.
En octobre 2022, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères a assoupli les conseils aux voyageurs pour l'Algérie : la zone de Djanet, notamment, est passée du rouge à l'orange, ce qui signifie que le Sud algérien est de nouveau accessible aux voyageurs, après 14 ans de fermeture. Dès les vacances de Noël, vous pourrez à nouveau fouler ces terres mythiques. L'occasion parfaite pour donner la parole à Michel, ancien guide en Algérie, aujourd'hui responsable régional de Terres d'Aventure, et à Maud, directrice de production de la zone Afrique, pour une interview croisée sur leur expérience, forcément très différente, de cette destination historique du tourisme saharien en France.
Quand avez-vous connu l'Algérie ?
Michel : J'ai connu l'Algérie avant Terres d'Aventure. En 1988, les images du Paris Dakar me trainaient dans la tête. Sur un coup de tête, je suis descendu là-bas, tout seul, avec ma moto : j'avais envie de voir Tamanrasset. En 1989, je rencontre Chantal, la directrice de production de la zone Afrique de l'époque. Elle recherchait des guides, c'est comme ça que j'ai intégré Terres d'Aventure. J'ai commencé par accompagner des grands voyages dans le Tassili du Hoggar, comme l'emblématique Tamanrasset - Djanet, 500 km de traversée de désert entre ces deux villes sahariennes. A la fin des années 1980 / début des années 1990, le gros de l'activité de Terres d'Aventure, en hiver, c'était l'Algérie. On voulait défricher d'autres zones, donc j'ai été envoyé en reconnaissance dans la Tefedest, l'Immidir et l'Ahnet. En 1991-1992, j'ai dû rentrer, ça devenait trop dangereux. J'y suis retournée en 2000, pour guider des groupes et ouvrir des zones pendant 4 ans.
Maud : Je suis partie à Djanet en 2005, dans les Ajjers, pour une première expérience saharienne. J'y suis retournée en 2018, en reconnaissance terrain à Tamanrasset, avec l'Office du tourisme et une délégation d'agences de tourisme françaises, car l'Algérie a failli rouvrir au tourisme à ce moment-là. Et finalement il y a eu le hirak, puis le covid, et ça ne s'était pas fait.
Quels sont vos plus beaux souvenirs en Algérie ?
Michel : Je me souviens encore de mon premier bivouac. J'ai allumé mon feu, j'étais tout seul, il n'y avait rien ni personne autour de moi... J'étais partagé entre l'excitation et la peur, c'était complètement fou ! Pour moi, l'Algérie, ce sont des couleurs, des ambiances, un dépaysement total.
Quel est votre coin préféré en Algérie ?
Michel : Le Hoggar, c'est ma première expérience pour Terres d'Aventure, donc elle reste fondatrice. Mais ce n'est pas ma zone préférée, d'abord parce qu'elle est trop minérale à mon goût, trop froide aussi en hiver, c'est assez haut en altitude. Je me rappelle des nuits où la température chutait largement en-dessous de zéro ; à l'époque on n'avait pas de tente, on dormait à la belle étoile... On n'avait pas chaud ! Et puis, pour les Touaregs de Tamanrasset, il n'y avait que le Hoggar qui comptait ! C'est normal, c'est chez eux. Mais du coup moi je préférais aller un peu plus au sud.
J'ai l'impression que le Sahara algérien c'est un mythe pour les voyageurs, pourquoi ?
Michel : Pour avoir voyagé au Niger, en Libye, en Mauritanie, en Tunisie et au Maroc, je peux dire que l'Algérie a quelque chose de plus que les autres n'ont pas. En Algérie, il y a une palette de paysages si différents les uns des autres ! Tu peux y aller 5 ou 6 fois sans jamais voir la même chose. Les peintures rupestres dans les Ajjers ; les contrastes de la roche noire et du sable rouge dans la Tadrart ; les canyons complètement isolés de l'Immidir... Chacune de ces régions a des paysages spécifiques, et c'est unique.
Qu'est-ce qui vous a manqué de l'Algérie ?
Michel : La culture nomade des Touaregs, que j'ai d'ailleurs retrouvée en Mauritanie : nos équipes locales en Mauritanie (les chameliers et leur famille) sont réellement nomades, elles vivent en campements. Me retrouver à nouveau au coin du feu avec des nomades, vivre à leur rythme... La rencontre de ces cultures m'a fait penser à l'Algérie. Dans l'Immidir, il y avait encore au début des années 2000 pas mal de points d'eau naturels, donc des pâturages pour les troupeaux, et beaucoup de gibier (mouflons, gazelles) ; et donc des campements nomades. Les gens qui vivent là vivent de l'élevage, de leurs troupeaux. Ils sont pauvres mais tant qu'il y a de l'eau dans le massif, ils n'ont aucune raison de partir. Il y a un proverbe tamahaq qui dit : « Aman Iman Akh Isudar », c'est-à-dire : « L'eau c'est la vie, mais c'est le lait qui nous nourrit ». Il n'y a qu'une chose qui peut faire partir les Touaregs : c'est le manque d'eau.
Le Sud algérien a donc rouvert au tourisme ; quels voyages y propose Terres d'Aventure ?
Maud : Aujourd'hui nous proposons deux voyages dans les Ajjers, réalisables dès les vacances de Noël. Premiers départs le samedi 17 décembre ! Ce sont des circuits de 9 jours, d'1 ou 2 chaussures. Et je vous rassure : les frileux pourront dormir sous tente ! Et pour les autres, la belle étoile est toujours possible. Les Ajjers, c'est un musée à ciel ouvert : il y a des peintures rupestres de partout ! Dans chaque abri sous roche, vous trouverez des peintures rupestres qui datent de 9 ou 10 000 ans. On va aussi vers Essendilène, un oued assez large, très beau, avec de la végétation.
Michel : L'ouest Essendilène est surtout connu pour Le rendez-vous d'Essendilène de Roger Frison-Roche. Ce livre a fait rêver beaucoup de voyageurs dans les années 2000 !
Est-ce qu'on peut espérer une ouverture plus large au tourisme ?
Maud : Oui, d'autres voyages devraient bientôt suivre, vers d'autres zones tout aussi mythiques ! Je pense à la Tadrart, l'Adrar Ahnet et peut-être, bientôt, à Tamanrasset, l'autre porte d'entrée des tassilis du Hoggar, les oasis de la Saoura, la découverte d'Alger et la région nord ?... A suivre !
Quelles sont les conditions d'entrée en Algérie ?
Maud : Les formalités d'entrée se sont récemment assouplies. L'Algérie a récemment supprimé ses restrictions sanitaires de voyage, les voyageurs n'ont donc plus à fournir de certificat de vaccination ou de test PCR négatif pour se rendre sur place. Le passeport est obligatoire, il doit disposer d'une validité minimum de 6 mois à la date de demande du visa. Les touristes français ont également besoin d'un visa, qui peut être obtenu au consulat algérien de leur lieu de résidence. Les délais d'obtention du visa sont de 2 à 10 jours ouvrés.