Terroirs et art de vivre en Toscane : en selle !
Et si l’espace de quelques jours on changeait de braquet ? Pourquoi ne pas se laisser aller, en quelques coups de pédales, sur la pente sinueuse et grisante du plaisir ?
Il est peut-être temps d'oublier les courbes du chômage et de la croissance pour négocier celles des collines couronnées de forêts et des coteaux griffés de vignes, de relever enfin la tête du guidon pour contempler le paysage, d'abandonner le monde à son train d'enfer et sortir du peloton pour redécouvrir la vie en roue libre... Tout cela mérite bien de troquer la paire de jeans contre le cuissard, aussi moulant soit-il. Le vélo ne se résume pas au dépassement de soi ou à un héroïsme émaillé de grimpettes épiques et de descentes suicidaires. Le voyage à bicyclette avec Terres d'Aventure, comme celui à pied, ramène à l'essentiel, dégraisse le quotidien de ces petites interférences qui finissent par prendre trop d'importance. La thématique « Terroirs et Art de vivre » érige le deux-roues en une philosophie épicurienne, jouisseuse autant que décomplexée. Carpe diem !
Oui, cueillir le jour, et par la même occasion, glaner au fil des kilomètres ces petits trésors qui rendent la vie plus douce et le coeur plus léger : un verre de vin dégusté entre deux fûts dans la fraîcheur d'une cave, l'éclosion d'une oeuvre d'art contemplée dans l'atelier d'un artisan,une légende contée par un aubergiste devant les chenets de son feu, une assiette de salaison dégustée dans une cour de ferme... Car après tout, des mollets solides et épais n'ont jamais empêché d'avoir le palais fin et le jugement aiguisé. Produits du terroir, traditions et savoirs distinctifs enrichissent les sacoches et les esprits le long des routes et des chemins de Bourgogne, d'Alsace, du Bordelais, du Val de Loire, du Luberon ou du Pays basque. D'autres circuits à l'étranger comme le pays de Salzbourg, l'Andalousie, le Piémont italien, la Vénétie ou les Pouilles sollicitent l'éveil des sens entre deux coups de pédale.
Et parmi ces vénérables modèles d'excellence et de bon goût, quel autre pays de Cocagne pourrait mieux personnifier l'art de vivre que la douce Toscane, « terra del buon vivere » ?
L'échappée belle
De Florence à Pise à vélo, laissez-vous charmer...
Des rumeurs de la ville au murmure des campagnes, des monuments Renaissance aux collines du Chianti, la « petite reine » se faufile d'un monde à l'autre avec aisance...
Florence fait partie de ces villes latines qui se prêtent aux caprices des deux roues aussi bien qu'Amsterdam ou Copenhague. Si les pistes cyclables demeurent d'une discrétion exemplaire, le centre-ville de ce grand musée Renaissance se révèle plutôt bienveillant à l'égard des vélos qui doivent plus se soucier des piétons erratiques que des voitures.
Mieux vaut mettre pied à terre pour négocier la foule entre les étals du marché central ou les riches boutiques de joailliers sur le Ponte Vecchio. Après avoir traversé la vaste piazza della Signoria sous le regard impérieux de Neptune, les cyclistes de Terres d'Aventure rejoignent les pigeons de la basilique Santa Croce qui se réchauffent le croupion sur d'antiques dalles de grès. Sur la façade de la cathédrale Santa Maria del Fiore, les marbres de Carrare, de Prato et de Sienne se conjuguent en une symphonie de vert, de rouge et de blanc. On en retire son casque, ébloui et un peu ému. Le vélo, plus direct, moins diplomate que la marche à pied, permet de prendre rapidement congé des villes. Alors que Florence baigne encore dans la douceur chaude et dorée des matinées de printemps, les VTC avalent le bitume de la route d'Impruneta d'une roue allègre. Quelques fangios d'opérette en Fiat Panda s'impatientent à coups de klaxon, mais bientôt c'est la campagne toscane avec ses mamelons aux courbes lascives et ses villages couleur biscuit accroupis dans les plis des vallées.
Une petite pause « ristretto » donne l'occasion aux cuisses de s'abandonner à la paix tiède d'une terrasse où des retraités à casquette déchiffrent dans les pages de la Nazione les résultats du tiercé. Autant profiter de cette quiétude, car les 4 kilomètres de côte jusqu'au Castello Palagio vont faire mordre les guidons. Les pédaliers tournent sur eux-mêmes avec une frénésie de moulin à café. Voilà ce que l'on appelle dans le très pittoresque jargon cycliste « un coup de cul », voire « une bavante », une de ces côtes un peu trop longues qui vous laisse les gigots chagrinés et le coeur bondissant jusqu'à la gorge. On a beau être tout le temps assis, le vélo avec Terres d'Aventure n'est pas pour autant une activité de fainéant.
Connaître ses classiques
Impossible d'y échapper, le chianti est le breuvage toscan par excellence. Mais connaissez-vous la différence entre un chianti et un chianti classico ?
Chaque jour au déjeuner, se pose la cruelle question : chianti ou pas chianti ? Les prudents, les sensibles, ceux qui craignent le coup de bambou en pleine côte ou une insidieuse mollesse du jarret dans l'après-midi, préfèrent renoncer, la mine basse. Les autres appellent le sommelier. La production de ce vin rouge désormais connu dans le monde entier commence entre Florence et Sienne dès le XIIIe siècle, mais le succès est tel, qu'au fil des ans des petits malins d'autres régions vendent du vin de qualité inférieure sous le nom de chianti. En 1932, une loi distingue alors le chianti classico, produit à l'intérieur des 70 000 ha de la région homonyme, dont le terroir autorise un long vieillissement et le chianti, produit en dehors de la zone et que l'on boit souvent jeune. Pour décrocher l'appellation chianti classico, il faut au moins 80% de cépage Sangiovese. Les ceps doivent avoir plus de 5 ans et ne peuvent porter que 3 kg de raisins seulement. Le vin vieillit pendant 9 mois au minimum, trois ans dont un au moins en barrique pour le chianti classico Riserva. Salute !
Tout est bon dans le cochon
En Toscane, la charcuterie est un art dédiéà l'extase des papilles.
Perché sur son coteau, Radda in Chianti cultive le bon goût derrière ses murailles médiévales. Le sanglier, animal fétiche de la Toscane, se décline en peluches pour enfants dans les magasins de souvenirs et plus intéressant en prosciutto de cinghiale dans les charcuteries. Il est préférable de visiter la boutique de Ricardo Porciatti après avoir déjeuné, sous peine de voir ses sacoches s'alourdir d'un ou deux kilos d'appétissantes cochonnailles : salame piccante, porciatella (une mortadelle au lard et aux pistaches), pancietta toscana (poitrine fumée enrobée de poivre noir), lardone di Radda, ou finocchiona, un saucisson parfumé au fenouil. Ricardo, sourire en lame de couteau derrière son comptoir,raconte cette tradition médiévale qui consistait à rajouter dufenouil sur les viandes corrompues afin d'en masquer le goût. On se remet en selle, l'eau encore à la bouche, avec plus de saucissons que ne pourrait jamais avaler une fanfare bavaroise.
Un gatto per favore !
En gastronomie comme dans la vie, il faut toujours se méfier des faux-amis.
C'est entendu, l'italien est une langue proche du français. Pourtant au restaurant ou à la trattoria, la carte des menus peut réserver des surprises. Ainsi en commandant des porcini, vous n'aurez pas du porc mais d'exquis petits bolets. N'espérez pas non plus une brochette en demandant une bruschetta, c'est une tartine de pain grillée frottée d'ail, arrosée d'huile d'olive et garnie de petits morceaux de tomates, assaisonnée de basilic. Pomodoro est une tomate et non une pomme de terre. Du reste une patate peut en cacher une autre : le terme désigne la pomme de terre comme la frite, tandis que patatine signifie des frites dans un restaurant mais des chips dans un supermarché. Enfin à moins d'être un pervers carnassier, évitez au dessert de demander du gato (le chat) et optez pour la torta, qui d'ailleurs n'est pas une tarte mais bien du gâteau.
Des châteaux en Toscane
L'histoire mouvementée de la région a semé sur le dos des collines une volée de châteaux cossus et de forteresses crénelées qui incarnent l'art de vivre majuscule.
Au-delà du miroitement un peu tremblé de la route chaude, deux lignes de cyprès plantées comme des rangs de hallebardiers conduisent au château de Meleto. La bâtisse construite au XIIIe siècle par la puissante famille Ricasoli témoigne encore de la longue et teigneuse rivalité entre Florence et Sienne. Trop proches, trop semblables, les deux républiques ont vu leurs intérêts commerciaux s'affronter dès le XIe siècle, lorsque toutes deux ont commencé à convoiter le bois de chêne vert des collines du Chianti.
La rivalité économique s'est vite commuée en rivalité politique, Florence devenant le fief des guelfes, partisans du pape, Sienne celui des gibelins, soutiens indéfectibles du Saint-Empire germanique.
La coalition qui se forme au XIIIe siècle entre Sienne, Pise, Poggibonzi et Arezzo contre Florence a marqué au fer rouge les relations entre les villes de la région. Le dicton florentin « Mieux vaut un mort dans la maison qu'un Pisan à la porte » en dit long sur le sujet.
La surprenante absence de sel dans le pain toscan remonte à cette époque où Pise coupe Florence des ses voies d'approvisionnement en sel. Cette animosité coriace perdure encore de nos jours entre certains villages comme Poggibonzi et Colle di Val d'Elsa. Même si les Siennois sont parvenus à l'occuper en 1478, Meleto a toujours été un bastion acquis à Florence. A l'intérieur, plafonds à caissons, décors en stuc, portes en trompe-l'oeil et nègres à flambeaux distillent un sentiment de richesse parcimonieuse. Un émouvant petit théâtre en bois du XVIIIe siècle, complet, avec ses cinq décors en tissus aux couleurs un peu passées, offre toujours son estrade aux orchestres de musique de chambre.
Après avoir goûté aux bons produits de la vigne locale, les vélos Terres d'Aventure reprennent la route tant bien que mal à travers une campagne enduite d'une lumière crémeuse. Les ceps tordent leurs bras au bord des chemins. Dans les villages, les bancs de pierre se couvrent de vieillards qui savent vieillir à l'ombre des tilleuls. Bientôt les merlons du château de Brolio, la forteresse florentine le plus proche de Sienne, surgissent du haut d'un tertre. Là encore, il va falloir initier son palais aux trésors gastronomiques de la région. Pas de doute, c'est un circuit où l'on déguste.