Sentiers d'histoire : le Shikoku Henro
Les sentiers servent à se déplacer ; pourquoi les façonner et s’y mouvoir autant ? Descendons quelques chemins à travers le monde pour remonter l’histoire de ceux qui les pratiquaient. Retrouvez-les dans le dernier numéro de notre magazine TERRE.
Le Shikoku Henro, au Japon
Le pèlerinage de Shikoku au Japon est l’un des rares chemins spirituels circulaires au monde. Il fait le tour de l’île et rejoint 88 temples officiels, tous reliés à la vie du moine bouddhiste Kukai. Né en 774 près du temple n° 75, l’adolescent part se former à la capitale, Nara, puis, après avoir choisi la voie du bouddhisme, au grand dam de ses parents, il se rend en Chine à Chang’an, d’où il ramènera la doctrine ésotérique du bouddhisme shingon. Il défend alors l’idée, révolutionnaire à l’époque, que tout individu peut parvenir à l’éveil en une seule vie. Une promesse très populaire, loin de l’élitisme du bouddhisme impérial. Les premières metions du pèlerinage de Shikoku remontent au XIIe siècle, mais on n’y parle pas encore des 88 temples. Ceux-ci se seraient fixés entre le XVIe et le XVIIe siècles. Du premier temple, le Ryozen-ji, au dernier, le Okubo-ji, il faut parcourir à pied 1200 kilomètres, ce qui nécessite environ six semaines. Cette voie traverse quatre provinces, ce que signifie d’ailleurs « Shikoku ». À travers elles, le pèlerin s’approche de l’extinction du feu des passions par autant d’étapes : l’éveil spirituel, l’entraînement à l’ascèse, l’illumination et le fameux nirvana. Vêtu a minima de son gilet blanc et de son bâton à grelots — symbolisant le guide Kukai —, le pèlerin est facilement identifiable et peut ainsi recevoir l’aide et des cadeaux de la part des locaux, qu’il ne faut surtout pas refuser. Dans chaque temple, il joint les mains, se prosterne, se purifie, sonne le gong, allume une bougie blanche et trois bâtonnets d’encens, psalmodie le sutra du cœur et, ainsi, rend honneur au bouddha puis à Kukai. À l’issue du pèlerinage, lorsque son carnet est rempli de la calligraphie de chaque temple, l’humble est invité à se rendre sur l’île de Honshu, au mont Koya, se recueillir au plus près de Kukai qui repose là-bas.