Mauritanie : le dernier pays nomade
Atar, porte d'entrée du désert. Nous voici en Mauritanie, face à cette mer de dunes où nous emmenons tous les amoureux du Sahara.
Depuis décembre 2017, la Mauritanie offre de nouveau aux voyageurs ses espaces infinis et ses cités de sable. Terres d'Aventure vous emmène fouler le sol de cette destination précieuse, terre d'accueil et de tolérance.
Fut-il le premier ?
Il est en tout cas celui qui servit de pont entre ce petit coin d'Afrique et notre Europe. Explorateur et naturaliste, Théodore Monod arpenta longuement, à pied et à dos de chameau, le pays des Maures, la Mauritanie. L'idée de partir sur ses traces ne peut que séduire les amateurs d'espaces vierges : le désert mauritanien est vaste, enchanteur et intact, épargné par les structures touristiques. Il offre au voyageur à la fois l'océan de dunes de l'erg Tafoujert, les vieilles villes de Ouadane et Chinguetti, les falaises de l'Adrar. On y trouve toute la grandeur des épopées sahariennes, et un mélange d'oueds et de canyons qui introduisent la minéralité dans cet univers de sable. L'Adrar (le nom veut dire « montagne ») est le centre névralgique de ces marches. Plateau désertique, il abrite oasis et gorges. Ici, on voit loin et clair, et on tisse comme à l'envi la métaphore marine : les caravanes y sont des navires, le désert une mer, les oasis et les puits des ports et des îles. L'ocre et la terre de Sienne se heurtent aux soudaines déchirures noires des canyons, dont le fond souvent est recouvert d'un sable orangé.
Ce monde est peuplé d'une discrète foule de petits animaux que l'on aperçoit, avec de la chance, au petit matin : insectes, tisserins volant de touffe d'herbe en touffe d'herbe, mouches insupportables quand elles s'agglutinent sur les paupières des enfants qui ne font même plus le geste de les chasser... En se levant, on trouve, sillon rampant ou quadrilatère de points d'appui, les traces laissées pendant la nuit par le lézard et le fennec : les apercevoir le jour, où ils se confondent avec le doré du paysage, est plus difficile, de même que les gerboises, les lièvres ou les serpents qui parcourent cette immensité. Dans le sud, moins fréquenté que le nord, le mélange des dunes et des plateaux plonge le marcheur dans des impressions mêlées de permanence et de changement : permanence de la longue piste qui s'écoule entre les falaises de l'Adrar et les dunes, changement des plantes (300 espèces répertoriées par Théodore Monod), alternance des étendues désertes et des plaques plus vertes sur lesquelles se ruent les chameaux.
En route, on croise quelques nomades installés sous leur tente près d'un pâturage et dont l'hospitalité est réellement légendaire (trois tournées minimum d'un thé très sucré, la première « amère comme la vie», la deuxième «douce comme l'amour », la troisième « suave comme la mort »).
Car la région comporte également, à l'air libre et encore souvent inexplorés, plusieurs sites néolithiques et rupestres d'une rare richesse, témoins de l'époque où cette zone aujourd'hui aride était un univers lacustre, et où les bergers nomades étaient pêcheurs et paysans. Pays de nature, la Mauritanie l'est aussi de culture. Et quelle culture ! Ouadane et Chinguetti, bibliothèques du désert, sont les dépositaires d'un savoir à la fois éternel et périssable. De simples boîtes en carton sortent d'infinis trésors : un manuscrit du Coran vieux de 600 ans dont les termites ont déjà grignoté quelques pages, des « hadiths », des « Vies de Mahomet » datant du XIIIe ou du XIVe siècle.
À l'époque, Ouadane était florissante, étape incontournable sur la route des caravanes qui venaient du Maroc ou emmenaient au loin l'or du Bambouk et le sel d'Idjil. Les intellectuels aussi y passaient et y écrivaient. Près de 4 000 volumes sont ainsi possédés aujourd'hui par 25 à 30 familles de nomades ou d'anciens nomades, et un débat souvent âpre oppose ceux qui tentent de les protéger et de les offrir au monde et ceux qui préfèrent les garder pour eux, au risque de les voir succomber aux attaques de ces ennemis impitoyables que sont le sable, la poussière et les termites. Quelques passionnés tentent de les sauver et récoltent au fil des ans des objets témoins du passé, ouvrant de petits musées où ils tentent de les exposer. L'Unesco, qui a inscrit au patrimoine de l'humanité quatre villes du désert, semble moins pressée de leur délivrer des subventions décentes. Aujourd'hui il n'y a plus que 400 maisons à Ouadane et une centaine d'habitants là où il y avait 3 000 bâtisses. Elles forment une fresque ocre aux flancs de la dune, entrelacs répété des mêmes petites rues, des mêmes bâtisses aveugles (leur première fonction est de protéger du soleil) que seul le fait de ne pas être en ruines distingue des témoins du passé. La ville surplombe une oasis où se sont construites récemment deux auberges. Elle s'offre à présent aux randonneurs comme hier aux marchands. À l'époque où Ouadane était capitale économique, Chinguetti était capitale culturelle. On la rejoint encore en plongeant dans les dunes, par des chemins connus seulement de ceux qui les empruntent avec « un GPS dans la tête ». Cette dernière abrite aussi une vieille ville avec une superbe mosquée (qui ne peut malheureusement que s'observer de l'exté- rieur pour les non musulmans) et quelques bibliothèques, dans le même état de délabrement que celles d'Ouadane. Il n'y a plus là que l'ombre de l'ancienne « Sorbonne » du désert, ombre pourtant encore chargée d'émotion. À la porte de ces villes s'étend l'erg Ouarane et ses 1000 kilomètres carrés, le désert de la grande solitude. La vision de ces vagues de dunes partant à l'assaut du large donne à l'invitation au voyage qui s'échappait des pages des vieux manuscrits le palpable du sable, du vent et des étoiles.